Ne m'approche pas • PV Alan [ Terminé ]

La haine rend aveugle, dit-on. C'est peut-être vrai, après tout. Mais je ne porte en moi aucune haine si ce n'est celle que j'ai toujours voué envers mon paternel et son fils aîné. Non, aujourd'hui, je me suis simplement réveillé avec ce goût amer en bouche, comme si j'avais avalé du sperme sans cette pointe de sel pour m’écœurer. Je me suis levé du pied gauche et ça arrive souvent ces temps-ci. Surtout depuis l'arrivée de Law. C'est un mec pourtant sympa, même si j'ignore ce qui l'a mené ici. Ce sont juste les regards qui se tournent sur son passage. Je crois que je ne l'avouerais jamais, mais je suis jaloux de l'attention dont il est le fruit. A part ses cheveux roses, je ne le trouve pas sexy à ce point. Je soupire. Que fais-je depuis deux ans qui ne suscite pas autant d'engouement ? J'hausse les épaules pour moi-même. Il doit désormais être aux alentours de seize heures et j'ai quitté la salle commune pour me rendre à l'extérieur. La bonne ambiance m'étouffe et j'ai envie de dépenser un peu de mes forces. Le temps est chaud à l'extérieur et l'atmosphère saturé de testostérone.

Je ne reste pas proche du terrain de basket, je m'éloigne immédiatement sous le préau qui demeure à l'ombre. Et malgré cette dernière, l'air n'en est pas moins brûlant. C'est à la fois agréable et détestable. J'abandonne seulement le haut de ma combinaison que je noue autour de mes hanches grâce aux manches. Je ne touche pas non plus aux machines, je me contente de me bander les poings en partant vers un des sacs de sable suspendu au plafond des lieux. Je ne parle à personne, ne regarde pas non plus qui que ce soit. J'ai juste envie de cogner comme si Louis se trouvait devant moi, ou comme pour reproduire l'intensité d'un viol, les coups de butoir comme mes poings qui s'écrasent contre le sac. Ce dernier bouge un peu, mais s'en ramasse un nouveau. Et bientôt, je ne pense déjà plus. La douleur commence à envahir mes bras et surtout mes phalanges qui s'ouvrent sous les bandes. Comme si nous avions droit à des gants de sac... Mais peu importe, c'est plus réel ainsi. J'ai simplement l'envie de frapper, pas d'imiter une compétition de boxeurs. Je ferme les yeux un court instant alors qu'à nouveau ma main percute le sac, arrachant un nouveau lambeau de peau. Les bandes, noires, ne marquent pas le sang. Tant mieux. Je pense un peu à Alan, furtivement. Je songe à son insistance pour m'avoir dans son lit. Mais je sais pertinemment que s'il pouvait avoir la prison dans sa cellule, il le ferait volontiers. Je ne suis pas une exception : pour personne.
Je rage, peste contre moi et frappe une nouvelle fois, à en réprimer un cri de douleur lorsque la peau termine de se retirer sur le dessus. Peut-être que des lésions se forment déjà avec d'autres joyeusetés. Là encore, je balaye cette idée qui ne m'importe pas et tourne légèrement le haut de mon corps pour prendre de l'élan. Mes rangers grattent le béton de leur semelle, les graviers roulants dessous. Je donne un nouveau coup, quelques mèches me collant aux tempes sous l'effort. Je ne veux voir personne.

Le sac remplaçant la gueule de mon frère en prend pour son grade. Mais ce serait vous mentir que de dire que mes mains n'en prennent pas pour le leur. De ce fait, il est vrai que la bulle qui s'est formée autour de moi m'empêche de voir quiconque arrive, ou s'en va du préau. Je me contente de foutre quelques baignes supplémentaires à ma victime, jusqu'à ce que mes mains n'en puissent plus et que je relâche la pression en dépliant mes doigts. Le mal de chien qui me fusille les os me fait grimacer. J'inspire avec lenteur et me tourne vers mes affaires. Affaires qui ne sont en réalité composées que d'une bouteille et d'une serviette laissées là pour ceux qui en ont besoin. Fort heureusement, la bouteille est toujours transparente. Je n'aurais pas vraiment aimé que qui que ce soit place quoi que ce soit dans l'eau.

Et ce n'est que lorsque je me dirige vers le dit-banc que j'aperçois Alan qui stagne, pas loin, et me toise. Qu'est-ce qu'il fout ici ? Je me détourne pour choper la serviette, la glisser sur mes épaules et boire un coup. J'en avais bien besoin mais je dois aussi retirer les bandes. Ce que je fais une fois assis. Le sang séché colle au tissu et je mime une nouvelle grimace, de douleur cette fois. Mes mains tremblent sous l'effort qui a été fait. Je les pose donc sur mes cuisses afin de contempler les plaies qui bariolent mes phalanges et métacarpes. Les blessures sont assez laides et il va me falloir nettoyer les bandes qui seront réutilisables ultérieurement. Cependant, les douches et ma cellule étant pour le moment trop loin, j'entreprends de mouiller la serviette avec un peu d'eau et d'essuyer l'hémoglobine sèche. J'arrache de même les derniers lambeaux de peau qui pendent sur les rebords des plaies. Que fait Peterson ici ? Ayant du mal à croire au fruit du hasard, je me doute que ce dernier a dû être au courant de ma présence au quartier sportif, ou alors, il avait juste l'envie groupiesque de mater quelques autres mâles torse-nu. Ce qui, entre nous, ne m'étonnerait pas. Cela dit, je ne me prive pas de l'ignorer et de « soigner » consciencieusement mes blessures, non sans éprouver un semblant de souffrance à chaque passage de la serviette.