hep, garçon! un caf... une boussole, please! [pv Alan]

La blessure pour laquelle on l’avait fait demander était finalement moins grave qu’il n’avait craint. Le gardien qui l’avait accompagné lui avait fait croire le pire. Mais plus de peur que de mal. C’était vrai que l’arcade sourcilière saignait beaucoup mais ce n’était pas grand-chose. Quelques points qu’il avait effectué sous anesthésie locale, comme le demande le protocole, et un pansement. Une demande prévu pour le docteur pour qu’il mette l’individu sous antibiotiques et antalgiques et le tour serait joué. Si toutes ses interventions pouvaient être ainsi, il n’allait pas se plaindre.

Il tournait à gauche, dans ses pensées, remontant le temps sur quelques années auparavant quand il avait fait un stage dans un milieu carcéral. A cette époque, il avait songé que ce n’était vraiment pas un lieu pour lui. En dehors du fait que c’était un milieu violent, il pensait qu’il n’aurait pas été capable de soigner des meurtriers, voleurs, violeurs… et depuis, il avait évolué. Il avait pris en maturation et en responsabilité. Et il ne se sentait plus aussi démuni que lorsqu’il était moins expérimenté. On pouvait dire de lui qu’il était un bon infirmier parce que justement, il savait prendre du recul et qu’un homme bon ou non, il le soignait de la même manière, avec la même douceur et la même patience. Il avait appris lors de ses différents services en oncologies que l’être humain, face à la maladie, était finalement identique et que les combats –certes, inégaux de fait du capital santé – restaient les mêmes. On cherchait tous à vivre – ou mourir ! – mais à sa manière et non celle des autres.

Il tournait encore à gauche. Ses yeux s’accrochaient aux murs qui défilaient. Peut-être qu’il aurait dû accepter qu’on le ramène à l’infirmerie. Mais il pensait alors qu’il avait bien repéré le trajet. C’était sans compter qu’il serait plongé dans ses réflexions et qu’il aurait peut-être dû prendre à droite à un moment donné ou un autre. Dans tous les cas, quand il vit des escaliers se profiler devant lui, il était certain qu’il n’était jamais passé par là. Ok… Pas de panique. Il ne restait plus qu’à faire demi-tour et tenter de retrouver des repères … ou un gardien.

Harvey remonta un peu plus sa blouse sur lui comme un moyen de se donner du courage. Allons, tout allait bien, il n’avait rien à craindre à se promener ainsi, seul, dans les couloirs, si ? Il expira plus fort, songeant qu’il était stupide de se faire des idées. Ce n’était pas le moment de s’inquiéter. Qu’est ce qui pouvait bien lui arriver ? Et qui plus est, il avait son portable sur lui. Donc, au besoin, il pouvait toujours joindre l’accueil de la prison pour qu’on le dépanne. Oui, voilà, ça c’était logique, c’était ce qu’il lui fallait : un raisonnement logique.

N’empêche… qu’il ne trouvait toujours pas son chemin. Et que la première silhouette qu’il croisa fut son salut alors qu’il l’apostrophait d’une voix calme et polie.

« Excusez-moi, je cherche l’infirmerie… ? »

L’homme en blouse blanche cherche sa tanière, quoi !

Bien loin de penser que l’homme face à lui commentait mentalement non seulement sa tenue, ses yeux mais également sa taille (><), il attendait patiemment qu’il veuille bien lui répondre et l’aider à trouver enfin son chemin. Non qu’il tournait depuis un moment mais justement, il ne comptait pas y passer la nuit. Tandis qu’il espérait être tombé sur une bonne âme, il en profita pour rapidement faire un tour de l’individu. Déjà, il était prisonnier. C’était un fait. La tenue ne laissait aucun doute. Ensuite, il était un peu plus grand que lui. Ce qui lui forçait à lever son regard sur ce dernier pour le regarder dans les yeux. Non que ça le dérangeait. Il y avait bien longtemps qu’il ne faisait –presque – plus de complexe concernant sa taille. Mais dans un contexte où il pouvait y avoir conflit, comme dans une prison, par exemple, il avait l’impression que ça pouvait jouer en sa défaveur. Encore heureux qu’il était costaud niveau épaules, ça compensait la taille.

Harvey fronça les sourcils, quittant ses pensées concernant le détenu, en entendant les explications qui vinrent enfin. Hum… il avait une bonne mémoire mais ça avait l’air quand même assez compliqué. Mieux valait prendre des notes pour ne pas se reperdre de nouveau. Il hocha la tête et lui fit un signe de main pour lui dire de patienter. Il posa sa mallette d’infirmier et en tira rapidement un carnet et un stylo, prêt à tout écrire avant d’oublier.

« Merci… »

Murmurait-il, alors qu’il se concentrait pour tout retranscrire de mémoire. Cela fait, il referma son carnet et sourit en direction de l’homme qui venait de se présenter sous le nom d’Alan Perteson. Il acquiesça à la question.

« Enchanté M. Peterson… je suis effectivement nouveau. Je suis le nouvel infirmier Harvey Stintson. Il tendit la main pour serrer celle de celui qui était censé l’aider à retrouver son chemin. J’espère que nous aurons l’occasion de faire connaissance. L’infirmerie est ouverte pour les traitements, les désagréments ou simplement pour parler… n’hésitez pas… »

Terminait-il avec un sourire encourageant et chaud. Il était parfaitement sincère dans ses propos. Aussi bien pour soigner les petits bobos de la vie ou les plus gros, ou bien tout simplement pour parler… Il était là pour ça. C’était pour ça qu’il avait demandé à travailler dans une prison. Pour être disponible pour des hommes qui pouvaient penser qu’ils étaient oubliés et seuls… Même en prison, ils avaient le droit d’être traité avec dignité.
L’infirmier reprit sa mallette et son carnet, y jetant un œil.

« Merci pour votre aide… Veuillez m’excuser, mais j’ai encore un peu de travail… »

Il avait le dossier du patient précédent à compléter. Et encore quelques rangements… avec un petit mouvement de la tête, il se dirigeait déjà dans la direction donnée par Alan….

Alors… droite… gauche, gauche, escalier, fond, escalier gauche…. Heu… il n’était déjà pas passé par là ? Fallait-il qu’il retombe de nouveau sur le même détenu ? En ce cas, un sourcil relevé interrogateur, il attendrait certainement des explications, non ?

La visite aurait pu être intéressante et la blague appréciée si il n’avait pas l’impression que le but était vraiment de se moquer de lui. Restait à savoir si cela allait se reproduire ou si c’était juste un petit bizutage. N’ayant aucune notion des différents comportements des prisonniers, il allait devoir improviser en fonction de chaque situation.
Et là, c’était le moment de savoir comment il allait improviser.

Alors qu’il croisait de nouveau le regard du dénommé Alan, il hocha prudemment la tête à la question avant de froncer les sourcils quand ce dernier lui demandait si il avait bien pris la troisième à gauche. Ok… c’était une blague. Il esquissa un petit sourire compréhensible, se disant qu’être susceptible n’était pas vraiment la meilleure des réactions.

« Je doute que me faire faire trois fois le tour de la prison m’aidera à trouver mon chemin… D’autant que ce n’est pas l’heure de la visite guidée, si ? »

Harvey étira un sourire, montrant ainsi qu’il ne montrait pas d’ombrage qu’on cherche un peu à le faire tourner en bourrique. Après tout, si il commençait déjà à jouer le jeu des détenus, il n’était pas sorti de l’auberge. Il rangea son carnet dans sa poche et apprécia la proposition de se faire escorter.

« Je crois qu’effectivement l’on m’a fourni un plan que je suis arrivé. La prochaine fois, je m’arrangerais pour l’avoir sur moi.. » Il ne voyait pas la prison aussi grande et il reconnaissait que son sens de l’orientation n’était pas terrible. Parfois, il fallait reconnaitre ses faiblesses. Passez devant, je vous suis.. »

Alors qu’ils marchaient, le jeune infirmier remarqua bien les différents coups d’œil que le détenu lui lançait et il baissait parfois les yeux, mal à l’aise, préférant éviter de se demander à quoi il pensait. C’était toujours délicat pour lui de se retrouver l’objet des attentions. Se passant un peu nerveusement la main dans les cheveux, il pressa un peu les pas avant de revenir à la conversation, surprit de la question.

« Je ne vois pas en quoi le fait d’être calme m’empêcherait de gérer une situation de crise ? Je suis un professionnel tout comme les gardiens.. J’ai eu une formation de gestion de la violence… »

Bon, ok, il n’était pas doué pour le self défense, mais il avait les connaissances en psychologie pour savoir comment réagir en espérant éviter tous conflits directs. Jusqu’à maintenant, il avait toujours réussit. Mais ça faisait réfléchir. Peut-être qu’il ne devrait vraiment pas se balader seul, en dehors de l’infirmerie ? Mais en même temps, certains prisonniers allaient et venaient avec une certaine liberté…

« Et vous savez, lorsqu’on a recourt à la violence, c’est qu’il y a une raison. Si on tente de désamorcer la situation avant, ça peut l’éviter… »

Non ?

« Et vous, comment géreriez-vous le stress et la violence de vos camarades ? »

Pourquoi il s’énerverait là-dessus ? Certes, ça pouvait un peu l’agacé d’être ainsi mené en bateau mais il n’était pas à ce point susceptible pour mal prendre cette petite blague. Il avait déjà eu un peu ce genre à l’hôpital, quand il venait d’arriver dans le service. Les hôpitaux étaient une horreur pour ceux qui venaient d’arriver et qui devaient y travailler. Rien que le fait de trouver les vestiaires, c’était compliqué ! D’autant qu’Harvey n’était pas le meilleur pour trouver son chemin.

Il suivit son nouveau guide-farceur, profitant pour regarder un peu autour pour essayer de se repérer mais très vite, il se reconcentra sur l’individu. Que voulez-vous, il préférait le relationnel à l’orientation. La discussion déviait doucement sur la violence et il était curieux de savoir comment les détenus vivaient avec au quotidien. Certes, il allait devoir bientôt apprendre à faire avec mais le plus tard serait le mieux. Et puis, il avait l’avantage des gardiens qui –théoriquement, parce que là, ce n’était pas du tout le cas– qui surveillaient les prisonniers qui venaient à l’infirmerie.

Le jeune infirmier arqua un sourcil surprit par les dires du dénommé Allan. Non pas que certains gardiens aient mal pris la blague mais plutôt que ces derniers fassent preuve de violence verbale ou physique. N’attendait on pas de la part des hommes de paix de bien porter leur nom et de ne pas faire de vague, faire preuve de respect et de considéré les détenus comme des humains et non comme des chiens qui ont besoin de maitre ?

« Je n’aime pas la violence et je ferais tout pour l’éviter effectivement. Mais je sais que parfois, on peut avoir des réactions incontrôlées en situation de stress. J’espère juste que je n’aurai jamais la possibilité de le vérifier… Jusqu’à maintenant, j’ai toujours réussi à contrôler les situations de crise. Il sourit en direction du guide qui s’attaquait à un bonbon. Par contre, je suis assez étonné que vous me disiez que les gardiens ont tendance à dépasser un peu leurs compétences. Si ça reproduit, j’aimerais en être informé, s’il vous plait… ? »

Il était peut être qu’un simple infirmier mais il n’était pas non plus du genre à se laisser marcher dessus quand il se savait dans son bon droit. Il était capable de monter au front quand il voyait que le règlement n’était pas respecté et que tout ce qui faisait de lui un soignant était bafoué. Gardien ou non, il n’y avait pas de différence.

Ils tournèrent sur la droite pour tomber enfin sur la porte où se trouvait marqué en grand ‘INFIRMERIE’. Il sourit en reconnaissant sa destination tant convoitée et hocha la tête satisfait et reporta son regard sur Allan.

« Merci pour votre aide ! Si vous avez besoin de quoique ce soit, même parler, ma porte vous sera toujours ouverte ! »

Il sortait déjà ses clés pour pouvoir déverrouiller la double serrure.

Fin ^^