La journée aurait pu être qualifiée de bonne si il n’avait pas eu une intervention au milieu de la nuit. Pas de bol pour lui, c’était tomber sur sa garde. Un prisonnier avait réussi à trouver de quoi se couper les veines et ne s’était pas particulièrement loupé. Il avait été appelé en urgence à 3h du matin et avait pris bien une bonne heure pour nettoyer et suturer les plaies. Sur le moment, il avait hésité à téléphoner aux urgences pour qu’ils viennent le chercher. Mais si il ne s’était pas loupé de manière à ce que l’infirmier ait du travail, il s’était suffisamment raté pour ne pas passer de vie à trépas. Bien évidemment, Harvey se garderait bien de lui dire que lorsqu’on souhaite vraiment y passer, il y avait un sens pour se taillader les veines qui était bien plus efficace que l’autre. Enfin, il n’allait pas non plus donner des conseils de suicide, n’est-ce pas ?
Dans tous les cas, une bonne heure pour nettoyer, une bonne heure pour ranger et faire les papiers administratifs, le dossier médical, la lettre à l’intention du médecin qui viendrait certainement y jeter un œil. Et finalement… Dans deux heures, il devait être de nouveau sur les lieux pour prendre son poste.
A quoi bon rentrer ?
Le café l’avait aidé à tenir un peu dans la nuit mais, au-dessus de son bureau, à 10h25, il commençait à piquer du nez. La chance avait fait que la matinée avait été assez calme et à part deux pansements et une prise de médicaments pour un mal de crâne, il n’avait pas eu grand-chose de plus à faire.
Les tentatives pour rester éveillé avaient été nombreuses : eau sur le visage, café, thé, nourriture, marche, air frais… mais rien n’y faisait, son corps souhaitait une petite pause ! Et dire qu’il avait encore 5 heures à tenir ainsi ! Pourtant, il avait eu l’habitude des gardes, dans son ancien service. Fallait croire que le rythme se perdait vite !
Alors, voilà, il était assis confortablement, à son bureau, fixant la tasse de café fumante –il ne savait plus à combien il en était. Au bout de la quatrième, il avait perdu le compte. Donc, la tasse de café fumante, le regard perdu dans les voluptés de la fumée chaude. Hum… Qu’est ce qu’il ne donnerait pas pour avoir un lit et fermer quelques secondes les yeux…
Minute papillon !
Lit ? Ses yeux bleus se levèrent vers l’arrière de l’infirmerie où se trouvaient deux lits patients. Tous les deux inoccupés…
Non… Ce ne serait pas très professionnel ! Et si on venait à entrer, il aurait l’air malin de se faire surprendre à dormir au lieu de travailler. Qui plus est si c’était un prisonnier.
Mais…
Harvey secoua vivement la tête et se frotta les yeux. Non ! Il fallait qu’il tienne ! Il était professionnel jusqu’au bout ! Ou pas… Soupirant et résistant contre l’appel de l’oreiller, il avala le reste de son café et alla s’en resservir un nouveau. Enfin, pas tout de suite, il fallait en refaire. Avec des gestes lents, tranquilles, il prépara la nouvelle ration de café puis se passa les mains dans les cheveux, les ébouriffants plus que nécessaire.
Allez, quelques minutes..
Finalement, il jeta un œil à la porte. C’était calme et il n’avait pas de rendez-vous prévu normalement. Après une dernière hésitation, il détacha un peu sa blouse, fermée par devant par des boutons pressoirs, pour plus de confort – heureusement, il avait un tshirt noir en dessous, n’est-ce pas ? – et céda à la tentation.
« Juste cinq minutes.
Se persuada-t-il tandis qu’il se laissait enfin tomber sur le matelas, dans un soupir de soulagement. Oui, 5 minutes… où il y avait-il le mal ?
Sur le bruit de la cafetière et l’odeur du café, il ferma les yeux. Les 5 minutes se transformèrent en 10 minutes puis… un peu plus longtemps…
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