Silent hell • RP LIBRE [ Terminé ]

Descendre de deux parents chrétiens, d'une famille totalement catholique ou d'un unique géniteur croyant ne fait pas de vous quelqu'un de forcément adepte aux religions. Et moi voici, petit Asher à ne pas faire exception à la règle. Pourtant, l'on m'a souvent demandé si j'étais éventuellement attiré envers ces conneries à cause du chapelet qui pend à mon cou. Mais non. Et pourtant, me voici, après quinze heure trente, devant la chapelle. Cela fait deux ans que je m'y rends sans que personne ne soit venu m'y déranger. Peut-être parce-que c'est le seul lieu que même un aliéné pourrait respecter. Je ne m'y sens pas bien, ni mal. Mais je suis seul avec mes pensées et je suis dans la mesure de me remettre en question ainsi que d'éplucher le compte rendu de ma vie passée ici. Déjà deux ans. Sept-cent trente jours. Bientôt, je les fêterais pleinement, tout comme cette année où je file vers mes vingt-quatre ans. Je souffle doucement. Je suis désormais dans l'enceinte de la chapelle, une Black Devil coincée entre l'index et mon majeur. Je suis parvenu à avoir mes paquets de la semaine grâce à Whilhem. C'est cool.

Je me pose, m'affale même sur l'un des bancs en bois du milieu de rangée, en expirant profondément toute ma paresse. J'y resterais très certainement jusqu'à l'heure de fin du quartier libre des détenus. J'ai envie de fumer tranquille et de pouvoir me parler à moi-même. Peut-être ne suis-je pas bien dans les prisonniers, mais peut-être aurais-je été mieux dans les fous. Je m'adresse un sourire amusé. Mon jugement a été sans appel de toute façon et quand bien même, je m'en fiche, le résultat est le même. Je m'allonge sur le banc qui craque, moisi par l'humidité et entame une contemplation silencieuse du plafond. Finalement, je ferme les yeux. Le moindre bruissement des feuilles contre le vitrail résonne dans la petite chapelle. Et si ça avait été le soir, ça aurait pu être éventuellement inquiétant. Mais en pleine après-midi, quand le soleil perce les vitraux, ça a quelque chose d'apaisant. J'inspire longuement, et expire avec un certain plaisir.  Puis je porte la Black a mes lèvres et avale une bouffée de fumée. Bouffée qui fait que les braises dévorent le papier noir. Je louche peut-être même pour regarder la situation avec attention. C'est fascinant.
Pensivement et d'une main, je lève le chapelet devant moi. La croix, ne faut-il pas confondre, est inversée, et je ris peut-être vaguement de l'ironie de ma présence. Je repense de même à ce genre de personnes qui croient du plus profond de leur être que Dieu est la solution à tout. Puis je songe en retour à toutes les bassesses qui ont été faites en son « nom ». Je souffle la fumée qui s'évapore dans les airs. Les humains sont ridicules. Comme les peines de prison, à vrais dires. Mais j'ai, ma foi, la chance de pouvoir me garder mes réflexions pour moi-même. Sans quoi je serais très certainement déjà passé sur la chaise. Les droits de l'Homme. La bonne blague. Je ravale un rire. Quand je vous dit que je me parle ! Quand on se retrouve dans un lieu tel qu'ici, il faut savoir ne compter que sur soi-même. Et, à la limite, sur les autres si on les tient par les couilles avec un bon chantage à la clef.  Je repose donc le collier contre mon torse et écrase le mégot contre une pierre délogée de son emplacement. Mes passages sont réguliers et l'on peut même le remarquer dû aux multiples  filtres noirs qui jonchent le sol, dont certains beaucoup plus vieux que d'autres. Je me souviens encore quand j'ai appris pour la rumeur de Whilhem, celle qui m'a permis d'avoir mon salut en clopes. C'est là que je me rends compte qu'avoir les oreilles qui traînent un peu partout, ça a du bon. Cela dit, et je me répète, je crains le jour où il apprendra pour moi. Car je n'ignore pas ce qui circule sur mon propre compte. Et autant vous dire que si ça ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd je pourrais, avec honnêteté, m'offrir une ceinture de chasteté en béton et m'isoler dans ma cellule pour toutes les années à venir.

Non, je n'ai guère hâte que ces rumeurs se répandent...

Les lumières dansantes sur le sol de la chapelle n'en étaient que plus fascinantes à chaque minute qui passait, comme le jeu de flammes dans le foyer d'une cheminée, léchant le bois avec avidité pour ne renaître que de plus belle. C'est là tout ce qu'il y avait de captivant hormis la fumée de ma clope qui s'évaporait comme si elle n'avait jamais existé. Jusqu'à ce qu' « il » entre, reconnaissable entre mille avec ses cheveux platines. Je grogne silencieusement, pour moi-même, tirant sur la cigarette qui ne tarde pas à mourir entre mes doigts. Lorsqu'il s'avance, je ravale un juron et lui balance le mégot encore chaud dessus. Je ne supporte pas sa présence, c'est viscéral depuis quelques temps. Le fait qu'il soit heureux d'être une petite pute m'exaspère et je me lève comme si j'avais le diable aux trousses. Je le dépasse d'à peu près vingt centimètres, sans parler de ma carrure.

Mon regard tombe sur lui comme une fatalité. Mes traits doivent être tirés, sévères et haineux. J'ai envie de lui en mettre une. J'en crève d'envie, tant et si bien que mon poing fourmille sous ce désir. Mais lui porter un coup serait complètement débile pour la simple et bonne raison que je paierai tôt ou tard les conséquences. Inspire, expire. Je lâche la pression et me détourne de Jarod en fourrant mes mains au fond de mes poches. Je ne dois pas lui prêter attention, tout simplement. Lui et sa console. Je pourrais la lui briser... Haaa, non, ça suffit ! Je me mords l'intérieur de la joue pour reprendre le contrôle sur mes émotions, et m'éloigne dans l'allée centrale : « - Tu pourrais au moins faire semblant de respecter mon instant de tranquillité. » de toute façon, Jay n'a pas le moindre respect pour moi, comme je n'en ai pas plus pour lui. Je m'avance donc vers la sortie en prenant soin de ne pas oublier mon paquet de clopes et d'en extirper une nouvelle que je fumerai à l'extérieur. J'ignore s'il est venu pour se recueillir ou s'il est simplement venu pour me casser les couilles. Mais tout ce que je sais, c'est que je n'ai pas envie de le voir, ni de le supporter.

Je vais donc en dehors de la chapelle et m'appuie contre un mur de briques. Je contemple muettement l'horizon. Le ciel est couvert pour aujourd'hui et le soleil peine à se frayer un chemin au travers des nuages. Les extérieurs semblent d'ailleurs se peupler lentement d'une brume épaisse. On se croirait dans un film d'épouvante avec les sépultures qui se dressent au beau milieu de nulle part. Je porte donc une nouvelle Black D. a mes lèvres et l'allume.

Avec toute l'honnêteté dont je peux faire preuve, je pensais très sincèrement que le fait de sortir me procurerait un peu de souffle. Seulement voilà, il ne fallut pas plus de quelques minutes pour que miss Jarod ( oui parce-qu'il me fait penser à une gonzesse avec ses mimes de femme ), sorte et me rejoigne. Tout ça pour jeter mes propres mégots sur la terre alors que jusque là, ils n'avaient gênés personne sur la pierre désossée. Je le regarde faire, et parler de mes clopes comme s'il s'agissait de la dernière des nuisances. Mais cette fois-ci, je ne dis absolument rien, et le contemple, un sourcil haussé et une main fourrée au fond de ma poche. Il ne se croit peut-être pas ridicule, lui, à jeter ça dans l'herbe ? Je préfère encore que ça pollue un bâtiment fait de mains humaines plutôt que la Terre même, mais semble-t-il que l'ordre des priorités est inversée dans la tête du blondinet.

Toujours sans rien dire, je quitte le mur contre lequel j'étais appuyé et m'en vais quérir les mégots qu'il a jeté. Je m'accroupis auprès du tas disséminé qui s'est formé et commence ma cueillette de cigarettes, muré dans le silence. Ce type a le don de m'agacer. De m'agacer, et de me casser les couilles dès que je le croise. Mais peu importe, là encore. Une fois ma recherche terminée, je reviens vers lui, du moins, dans sa direction mais je prends le chemin de la poubelle de fortune et place les cadavres de clopes à l'intérieur. Je porte de nouveau mon regard acier sur le jeune homme, les traits impassibles à désormais : « - Recommence à jeter ça dans l'herbe et je te les fais avaler, Jarod. ». Non pas que je sois sérieux, mais en vérité, je suis plus que ça. Parce-que je supporte vraiment pas qu'on puisse respecter un lieu pour une question de religion alors que l'on va jeter des détritus sur la Terre même où les hommes ont commencés à croire. C'est, qui plus est, le comble de l'ironie en sachant que je suis le fumeur, et lui le pollueur. Je me détourne à nouveau dans l'optique de partir. L'idée de lui en foutre une me démange de plus en plus et je n'ai pas envie de bafouer encore un peu plus l'image de ma mère qui fut si croyante. Les clopes, c'est une chose, mais le sang en est une autre.
Je termine celle que j'avais coincé entre mes lèvres, juste avant de m'en aller, et l'écrase contre le mur de la chapelle où je délaisse les dernières cendres rougies. Mais, je jette le mégot dans la poubelle. Une provocation ? Voyons, je n'oserais pas.