Bonjour je me nomme Joshua et toi?

Penché dans ses dossiers, en tenue classique d’infirmier, c’est-à-dire en blouse blanche et jean pour aujourd’hui, il n’attendait aucune visite. Du moins, aucunes programmées. Il devait toujours être disponible sur ses heures pour pouvoir palier aux urgences ou aux petites demandes de ‘bobos’. Mais pour le peu qu’il avait déjà remarqué sur une semaine, c’était assez calme. Les prisonniers avaient été jusqu’à maintenant corrects et ce n’était rien de bien grave jusqu’à maintenant. Encore heureux. Il se voyait mal gérer une tentative de suicide, une agression à arme blanche ou autre, un meurtre… Ce n’était pas vraiment des situations qu’il maitrisait et bien qu’il ait reçu la formation qui accompagnait ce genre de poste en prison, il ne pouvait s’empêcher d’appréhender le jour où il devrait faire face à tout ça. La détresse psychologique et les comportements de démence présents ici étaient un concentré de brasier qui ne demandait qu’à s’embraser.

Assis à son bureau, il releva soudainement la tête en entendant quelqu’un taper à la porte et entrer avant même qu’il ait eu le temps de donner son autorisation. Sa première réaction fut une petite lueur réprobatrice dans le regard alors qu’il s’apprêtait à expliquer au futur patient/détenu qu’il supposait qu’il attendait un minimum dans le comportement et dans le respect. Mais la tenue le coupa directement dans son petit sermon. Un gardien ? Ouais, ok, ça ne changeait rien sur le fait qu’il fallait qu’il attende qu’on l’autorise à entrer.. Mais ce n’était peut-être pas le moment pour se mettre à dos ses futurs collègues.

Il se leva rapidement et referma son dossier, plaquant un sourire avenant sur le visage et tendant la main pour serrer celle en face d’elle.

« Oh… Bonjour ! Je suis Harvey Stintson ! Enchanté de faire votre connaissance ! »

Sa poigne était ferme, aucune timidité là-dedans. Il était professionnel jusqu’au bout des ongles. Son regard était franc, son sourire honnête et son vouvoiement bien en place pour une question de respect de son interlocuteur. Détenu ou collègue, tous aurait le même traitement de faveur. Qu’on le tutoie, cependant, ne lui posait pas de soucis. Il n’était pas susceptible. Récupérant sa main, il l’invita à s’asseoir en face de lui tandis que lui rejoignait son fauteuil.

« Merci. J’espère aussi qu’ils seront sympas. Il sourit un peu plus, amusé. Mais pour l’instant, ils ont tendance à m’éviter. Je crois que ça ne change rien qu’ils soient prisonniers ou non, ils restent des hommes qui ont peur des piqures et qui vont tout faire pour éviter de me rencontrer temps qu’ils peuvent l’éviter. »

C’était terrible comme l’homme pouvait être froussard dès qu’il s’agissait de voir du matériel médical. Il sourit intérieurement. Il n’était pas mieux. Il détestait tout ce qui était traitement et injections. Mais avec le temps, il avait appris à prendre sur lui et à faire avec. Après tout, quand on revenait de loin, on relativisait vachement.

« Vous êtes gardien ici depuis longtemps ? Il lui paraissait jeune mais il ne lui en ferait pas la remarque. Ce n’était pas à lui de juger le poste de chacun. J’avoue que j’hésite à quitter l’infirmerie car j’ai tendance à me perdre rapidement. La dernière fois, ça a été même un détenu qui m’a montré le chemin, pour vous dire. »

Il eut un petit rire bas et croisa les jambes pour observer son visiteur. Cheveux blonds, yeux châtains, bien plus grand que lui. Il serait bien son genre… Rien à voir avec son ex qui était aussi blond mais beaucoup moins musclé. Se rendant compte qu’il était en train de détailler l’homme avec des pensées qui déviaient, il se redressa un peu et racla la gorge pour reprendre la conversation.

« mais je dois avoir un plan quelque part dans les tiroirs, il faut que je cherche… »

Raté ! Il avait remarqué le temps de déconnection, même cout, chez Joshua et eut un petit froncement de sourcil, inquiet. Etait-ce normal ou bien pensait-il à autre chose, là, le cas présent ? Son expérience d’infirmier l’obligeait toujours à se poser diverses questions pour ne pas passer à côté de quelque chose. Parfois, l’observation était primordiale et pouvait sauver des vies si on remarquait des signes précoces.

Mais bon, pas de panique, ce n’était a priori pas le cas du gardien qui reprit la conversation, comme si de rien n’était Harvey rendit le sourire, amusé. C’était toujours le même discours sur les piqures, quel que soit les contextes. Il arqua un sourcil à la supposition que ses injections seraient plus douces.

« Je ne peux rien garantir, j’ai eu toutes sortes de compliments ou critiques… Je ne suis pas parfait non plus ! Je peux juste vous assurer que je ferais en sorte que tout se passe bien et de limiter la douleur dans la mesure du possible. »

Il n’était pas menteur pour un sou et il n’était pas du genre à se vanter. Un trait de caractère qui lui jouait régulièrement des tours mais il n’arrivait pas à s’en défaire et parfois, certains patients en jouaient pour tenter de le déstabiliser. Heureusement, il n’était pas non plus du genre à ce qu’on lui marche sur les pieds.

« Trois mois ? C’est tout récent alors… Il observa Joshua et lui fit un clin d’œil. Avec mon arrivée, j’imagine que vous n’êtes plus le ‘nouveau’ et que je prends votre place ? J’espère qu’il n’existe pas de bizutage en règle et que je ne vais pas avoir à faire les frais de blagues douteuses, rassurez moi ? »

Manquerait plus qu’il soit l’objet de moquerie de ses propres collègues. Autant de la part des prisonniers, il savait faire face, autant de la part de l’équipe, c’était autre chose. Normalement, entre collègues, on devait se soutenir et non pas se descendre. Pourvu que ce soit le cas à Lancaster. Harvey n’avait pas encore eu vraiment l’occasion de rencontrer beaucoup de monde si ce n’était le chef du personnel rapidement, le DRH pour signer son contrat. Un rapide tour d’horizon avec un docteur et on lui avait laissé le ‘bébé’ dans les mains. Pas facile alors pour se faire une idée.

« Oui, si je rencontre un gardien quand je suis perdu, il est certain que je demanderais de l’aide.. Mais effectivement, si ça tombait sur le blond, il ne dirait pas non, il avait l’air sympa et pas prise de tête. Oui, un détenu… l’infirmier sourit en y repensant. Non, ça a été, il a tenté de me faire tourner un peu en bourrique, mais je suppose que ce n’était pas méchant. La preuve, il m’a bien raccompagné et je suis ici ! »

Il est vrai qu’à plus l’observer, Joshua Anderson lui paraissait jeune. Il lui donnait à peu près la vingtaine. Donc au minimum 21 ans en comptant l’âge légal. Ça n’en faisait pas forcément un mauvais gardien mais il fallait reconnaitre que l’expérience donnait du poids à un poste. Et Harvey s’imaginait sans peine que les prisonniers devaient le tester bien régulièrement. Il espérait juste qu’il ne se laisserait pas dépasser par les évènements, ça pouvait aller tellement vite…

Acquiesçant, il décroisa ses jambes et se replaça un peu plus confortablement, songeant qu’un petit café pour accompagner cet entretien ‘amical’ serait certainement le bienvenu.

« Les cas psychiatriques sont naturellement inquiétant, je peux le comprendre. N’avez-vous pas eu de directives ou de formation en psychopathologie pour leur faire face et appréhender au mieux leurs comportements ? Il se leva et se dirigea vers une petite paillasse où se trouvait sa machine à café personnelle qu’il avait ramené après seulement une journée en poste et en manque de caféine. Un café ? Demanda-t-il sur un ton de conversation avant de reprendre, plus professionnel, tournant le dos au gardien le temps de préparer la mixture amère et addictive. je crois que le plus important, c’est que vous n’oubliez pas que vous avez affaire à des hommes et non des animaux et qu’ils ont le droit à la dignité et au respect, tout comme nous. Ensuite, ils sont malades et donc, il est primordial que vous connaissiez leur pathologie avant de les rencontrer. On m’a toujours apprit qu’il fallait connaître le dossier patient avant de rentrer dans une chambre.. Et bien, c’est la même chose ici… Il se retourna et s’appuya contre le rebord pour fixer son interlocuteur, le café étant lancé. Avant d’entrer en cellule vous devez certainement bien connaitre leurs histoires, leur maladie, leur addiction… le but n’étant pas de les juger –ce qui est humain, j’en conviens – mais de tenter de comprendre leur fonctionnement pour que la prise en charge se fasse en douceur… »

L’infirmier se mit à rire,, secouant légèrement la tête, se rendant compte qu’il était en train de répéter les mots d’un de ses anciens profs.

« Pardonnez-moi, je ne suis pas ici pour vous dire comment faire votre métier. Ce ne sont que des conseils et je n’ai pas la science infuse. Ne prenez pas mal mes propos. «

Il manquerait plus qu’il le prenne pour un monsieur Je-sait-tout ![/b]

Il n’eut peut être pas le temps de répliquer sur ses paroles mais il eut le temps de les entendre. Et en même temps qu’il relevait un sourcil, surprit, un léger fard apparut sur ses joues sans qu’il ne puisse rien y faire. Il se maudissait au passage. C’était terrible à quel point il ne pouvait se contrôler sur ce point-là. Dès qu’on dépassait un tant soit peu le cadre professionnel et il avait tendance à avoir un visage très expressif. Il se racla la gorge et décida qu’il était temps de quitter le confort du siège, trop en ligne directe du regard du gardien pour aller faire du café, et par là même, reprendre un peu une conversation qui se devait sérieuse et non dévier sur les pensées qui se faufilaient insidieusement dans son esprits.

Là, parler des aliénés, de la manière dont on devait les aborder, leur parler, les comprendre. Là, c’était sérieux, l’image qu’il voulait donner. Il ne voulait pas essayer de voir derrière les paroles du blond une tentative maladroite de drague. D’une, parce qu’il se faisait certainement des idées, il l’avait surtout dit pour être poli. De deux, tous les hommes qu’il rencontrait n’étaient pas forcément gay. De trois, c’était un collègue et si il y avait bien une mauvaise idée, c’était d’avoir une quelconque relation intime avec un collègue : si ça se passait mal ou pire, si ça venait à se savoir… ?

Lorsqu’il se retourne pour faire face de nouveau à Josh, il remarqua un sursaut et une couleur rosée sur ses joues. Avait-il dit quelque chose qu’il ne fallait pas ou de déplacer pour avoir ce genre de réaction. L’infirmier étudia attentivement la gêne de son vis-à-vis, tentant de comprendre où le bât blessait. S’il avait mis mal à l’aise le jeune homme, il était prêt à s’excuser. Peut-être était-ce son discours sur la psychopathologie ? Après tout, il était passionné mais tous ne l’étaient pas. Il le voyait peut être désormais comme un type pédant et sans intérêt et qu’il avait été en mode déconnecté tout le temps qu’il lui avait parlé ?

Harvey se maudit intérieurement de devoir parfois trop parler. Mais quand ça touchait sa profession, il aimait partager son savoir. Seulement, il n’était plus en hôpital où les équipes étaient médicales et donc, pouvaient suivre sa passion. Ici, les équipes étaient principalement composées de gardiens qui devaient se fiche comme de l’ante christ de savoir si un prisonnier était névrosé ou psychotique !
Il allait de nouveau s’excuser jusqu’au moment où Josh reprit la parole pour aborder – demander – un sujet qui n’avait rien à voir avec le reste mais qui le laissa perplexe et de nouveaux fards sur le visage, surprit.

« Un verre ? »

Il rêvait où en gros, le gardien lui demandait de le voir encore ? Harvey dut faire un effort pour calmer son cœur qui s’était mis à battre plus rapidement, vous savez, sous cette émotion d’excitation, d’envie et de crainte de se faire un film ? Il hésita et le bip de la machine pour avertir le café était prêt lui donna quelques secondes de répit.

Rapidement, il se retourna et prit une tasse pour la glisser dessous et faire couler le liquide noir et odorant, tandis qu’il se demandait comment répondre à cette –simple- question. Accepter et se voir juste en tant que collègues ? Ne pas de faire de plan sur la comète. Et puis, ce n’était pas une mauvaise idée de sortir… il venait d’arriver et ne connaissait pas la ville. Alors, pourquoi pas ? Et puis, si vraiment il y a anguille sous roche, le soignant saurait dire non. Même si une petite partie en lui confirmait que Joshua Anderson était agréable de physique, il n’était pas question qu’il se relance dans une relation quelconque. Et ne lui parlait pas d’un coup d’un soir, c’était encore moins possible pour lui !

Récupérant sa tasse, il souffla un peu à la surface et se retourna pour faire face à son invité.

« Vous ne m’avez pas répondu… café ? Il sourit doucement. Et oui, pourquoi pas un verre… Mais je termine tard ce soir, vous savez et je ne connais pas vraiment de bar à proposer… »

Et bien voilà, il avait accepté de faire son social. Mais en même temps, Harvey l’était. Juste qu’il en dépassait pas les limites.

Il avait mis du temps à répondre volontairement, ne souhaitant pas se précipiter sur un rendez-vous, galant ou amical. C’était encore un peu tôt pour lui de s’imaginer avec un homme. Qui plus est, un collègue… Ouhla, Harvey, tu t’éloignes. C’est quoi ces pensées qui n’ont rien à voir avec la discussion –ou presque- et qui sont complètement déplacées ?! Il se ressaisit mentalement et se traita d’imbécile. Allait-il voir chaque invitation comme une entrée en matière ? si c’était le cas, il était mal barré… cela voulait dire qu’il était vraiment en manque et que ses hormones voulaient contrôler sa vie, ce qui n’était pas question du tout !

Revenant à des sujets plus neutres, il précisa qu’il acceptait mais qu’il terminait tard. D’ailleurs, ça ne lui avait jamais posé soucis de terminer à des heures pas possibles. Il n’y avait personne qui l’attendait chez lui et au moins, quand il travaillait, ses pensées ne gambergeaient pas sur des idées plus sombres et déprimantes. Parce que, quoiqu’il donne comme impression, il pouvait vite voir les choses en noires quand il s’agissait de lui. Mais cette partie était personnelle et il se la gardait sans témoin.

Le visage de Joshua s’illumina au moment où il acceptait et l’infirmier ne pût s’empêcher de sourire, amusé par cette réaction. Donnait-il vraiment l’impression qu’il n’était pas du genre à accepter ou le blond avait-il juste demandé, à tout hasard, prêt à recevoir une réponse négative ? Encore une fois, il songea que peut-être ce dernier n’était pas complètement désintéressé par cette invitation… Mais encore une fois, il s’exhorta à la prudence pour ne pas faire d’impairs.
Il acquiesça lentement et se dirigea vers son bureau pour regarder son planning tandis que le gardien lui proposait un bar qui paraissait sympa. A défaut de se faire des films, c’était l’occasion de connaître un peu la ville et surtout, de sortir.

« Hum… Ce soir, je finis à 23h, je doute que ce soit une bonne idée. D’autant que je reprends le travail demain après-midi… J’ai peur de ne pas être de très bonne compagnie… Il sourit. Surtout quand je suis fatigué, j’ai tendance à dire n’importe quoi et à être distrait… il jette de nouveau un œil au papier qui résumait ses horaires. Dans trois jours, je sors à 18h, ça pourrait aller avec vos horaires ? »

Il le fixait, attendant sa réponse. Car bien sûr, il y avait à faire coïncider leurs deux plannings. Ce qui ne devait pas être chose facile, il s’en doutait. Il avait pris le temps de regarder une semaine type chez les gardiens et c’était des horaires toutes aussi coupées que celles d’un soignant.
Cela étant, Harvey s’installa sur sa chaise pour prendre le temps de discuter, ayant l’impression que l’homme avait envie de de rester. Non que ça ne le dérange. Au contraire ! C’était toujours agréable de discuter avec quelqu’un d’ouvert, surtout quand on venait d’arriver dans une structure et qu’on ne connaissait pas tout le monde. C’était le moment de faire un peu connaissance. Et puis, il n’était pas surchargé de travail pour l’instant.

« Pourquoi une prison ? Pourquoi pas ? Il haussait les épaules, gardant son sourire aux lèvres. Mon métier me permet d’être là pour les gens, les soigner, les écouter. Je me suis dit que je pouvais être utile ici… J’en avait un peu marre des hôpitaux… J’y suis resté suffisamment longtemps et ça ne me disait plus trop rien de continuer… Bien que ce fut une expérience très productive ! »

Il ‘était pas pour dénigrer les hôpitaux. Mais l’oncologie commençait à devenir difficile pour lui et il souhaitait s’éloigner du paysage médicalisé. Il avait besoin d’avancer, d’oublier sa maladie et plus il y restait et plus il avait l’impression que cette dernière l’attendait, tapie dans l’ombre prête à se jeter sur lui. Du coup, la prison donnait beaucoup de relationnel et un peu moins de techniques. Ce qui était parfait pour ses besoins actuels. Mais cela, il n’allait pas rentrer dans les détails avec son interlocuteur. Inutile de dire que c’était justement ce genre de pensées qu’Harvey fuyait !

« Je vous retourne la question… ? Pourquoi avoir choisi cette voie ? C’est un milieu difficile et ça ne doit pas être forcément simple de se faire entendre dans ces murs ? quel que soit l’âge d’ailleurs. Lui, il n’y arriverait pas. De ce que j’ai pu lire comme témoignage, c’était que le métier était à risque et que se retrouver dans une confrontation était possible… Vous en avez déjà fait les frais ? »

En plus de sa curiosité de connaître un peu plus l’homme face à lui, ça lui donnait l’opportunité de se faire un peu plus une idée de l’ambiance et du fonctionnement de la prison. Et surtout, de faire professionnel, non ?

Avait-il réellement un rendez-vous avec un type dans trois jours ? Ça lui paraissait soudain si rapide… Joshua était charmant d’apparence mais il se demanda soudain si c’était une bonne idée… Même entre collègues ? Il devait avouer que l’idée de fréquenter quelqu’un le titillait de temps en temps mais il suffisait qu’il repense à tout ce qu’il avait vécu pour qu’il ait le droit à une douche froide. L’infirmier soupira intérieurement. Bon, il verrait bien le jour ‘j’. Ce n’était pas la peine qu’il se prenne martel en tête, surtout s’il se faisait des films. Si ça se trouve, le gardien souhaitait juste un verre entre potes et c’était tout simplement ça ! Tout le monde n’était pas attiré par les hommes et il le savait trop bien !

La proposition était fort intéressante et il acquiesça, sortant un papier pour noter l’adresse du bar. Se rencontrer directement là-bas, c’était parfait. Non qu’il avait honte ou cherchait à se cacher, mais plus il restait discret entre son boulot et sa vie et privée et mieux c’était. Il n’avait pas envie, dès son arrivée, être catalogué comme l’infirmier gay qui allait draguer tout ce qu’il trouvait.

« Je vais prendre le nom du bar… Par contre… Disons plutôt 19h ? Le temps que je rentre et que je prenne une douche avant de venir ? il sourit.[/b] Histoire de me redonner figure humaine après une journée de travail ? »[/b]

Bon, il aurait pu y être en demi-heure mais il ne voulait pas se presser. Il voulait avoir le temps de se poser avant de repartir en soirée. Surtout, il ne comptait pas rentrer tard. De fait, il avait perdu depuis bien longtemps l’habitude de sortir le soir. Mais ça, il n’allait pas le dire tout de suite. Il ne voulait pas décevoir tout de suite le blond, surtout que le sourire qu’il lui offrait était bien agréable à voir. Il se joua un peu orgueilleux en s’imaginant que c’était la joie d’avoir ce rendez-vous qui le rendait aussi heureux avant de se traiter d’imbécile. Encore une fois, il partait dans des films et il fallait qu’il arrête de s’imaginer n’importe quoi !

« Vous savez, le métier infirmier nous donne la possibilité d’avoir de nombreuses fonctions. Les hôpitaux, c’est une façon différente de travailler… et j’avais envie d’un peu de calme, de régularité et de suivi de patients… Je voyais beaucoup de patients, mais finalement, à termes, ils ne revenaient pas… il eut un petit rire[/b] Encore heureux, me direz-vous ! Mais j’aime savoir ce que deviennent mes patients…[/b]

Où certains partaient en mourant de leur maladie. Ici, ceux qui partiraient, ce serait surtout parce qu’ils seraient libérés. La nuance avait son importance ! Harvey n’allait cependant pas expliquer tout ça, songeant que c’était tout de même assez morbide pour une première discussion avec un collègue.

La raison du gardien le fit sourire. C’était… mignon ? Non il n’allait pas dire ça… Et pourtant, c’était le premier adjectif qu’il avait pensé. Mais ce n’était pas sûr qu’il accepte cette définition. Il opina lentement du chef, montrant ainsi qu’il pouvait comprendre ce qu’il lui disait. D’une certaine façon, c’était le cas. Il avait découvert le métier par sa maladie mais ça l’avait aussi frappé de plein fouet et l’évidence était tellement claire. C’était ce métier et pas un autre qu’il voulait pratiquer.

« Et bien, il semble que vous y soyez arriver. Si je comprends bien, vous êtes assez têtu et quand vous vous donnez un objectif, vous foncez… C’était une qualité intéressante. Tout dépendait de l’objectif surtout ! J’apprécie les personnes qui savent ce qu’elles veulent. J’ai tellement eu de patients qui ne savent pas quoi faire…. il secoua la main, comme pour chasser quelque chose. Attention ! ce n’est pas une critique pour eux… ce n’est pas facile pour eux mais parfois, c’est frustrant et on doit se retenir de leur dire ce que, nous, on ferait pour les laisser prendre leurs décisions sans influence… Mais qu’est-ce qu’il racontait ? Il s’éloignait et surtout, faisait du jugement de valeur ! Il se racla la gorge et fit une petite moue d’excuse.[/b] Enfin… pardon, tout ça pour dire que c’est bien si vous avez pu réaliser le métier qui vous plaisait… »[/b]

Voilà, on rattrape et on reprend le fil de la conversation. Bien mieux !

« En effet, la maladie est peut être identique mais les réactions sont différentes. Tout comme nos propres réactions. Mais je pense que si vous avez été formé pour gérer des situations critiques, sans dire que vous serez la première fois dépasser un peu, vous devriez pouvoir gérer…. Et puis, Joshua n’était pas frêle ou fragile d’apparence… son regard bleu le détailla un peu plus, comme pour s’imaginer les muscles qui pouvaient se cacher en dessous avant qu’il ne le réalise, se racle la gorge et qu’un fard apparait avant qu’il reprenne. Et puis, vous n’êtes pas seuls, comme vous dites ! Vous avez des collègues. J’imagine que c’est comme pour nous, les infirmiers. Si vous êtes en situation délicate, vous n’y allez pas seul… non ? »

On toqua à la porte et il redressa les yeux vers celle-ci avant d’inviter la personne derrière à y entrer. C’était un prisonnier accompagner d’un garde qui se plaignait de maux de ventre.
Le jeune homme se leva et jeta un œil en direction de Josh.

« Je crois que le travail reprend… veuillez m’excuser. A bientôt ? »

Devant l’autre gardien, il n’exprima pas clairement leur rendez-vous, mais il allait sans dire qu’il y serait. Un sourire accompagna ses dernières paroles avant qu’il reprenne son attitude professionnelle et qu’il invite le prisonnier à venir s’assoir sur le lit pour qu’il puisse l’ausculter.