Together, forever (Pv Adan N. J.)

Le bruit du moteur de la camionnette. Le paysage qui défile. Adan se concentre sur ses choses dont il profite, sûrement, pour la dernière fois. Sauf transfert. Sauf cas réellement exceptionnel voire incroyable, il ne sortira sans doute jamais de l’enceinte de la prison dans laquelle on le conduit. Pieds et poings liés, il garde religieusement le silence alors que ses nouveaux co-détenus qui font, eux aussi, partie du transfert, tentent d’attirer son attention. Cela ne marche pas. Le jeune parrain n’en à que faire de ces hommes. Et ils s’en rendent bien compte, se sentent insulter par le dédain qu’il leur offre, se mettent à l’insulter avant d’être rappelés à l’ordre par l’un des deux employés de la prison. Le calme revient peu à peu, même si Adan sait déjà qu’il ne vient pas de se faire des amis. Mais il s’en moque parfaitement. Il ne cherche pas à se faire des amis. Il cherche simplement à fuir. Fuir ses responsabilités, ses devoirs. Se fuir lui-même.

Le fourgon s’arrête. On leur intime l’ordre de descendre. Il lève les yeux vers le ciel, avant de clore ses paupières pour humer l’air, profiter une dernière fois de cette pseudo liberté dont il jouit en l’instant. Et puis, alors qu’il dévoile ses pupilles, il pose son regard sur les grillages qu’il va côtoyer au quotidien pour le reste de sa vie. Derrière, des détenus font du sport, trafiquent entre eux. Et lorsque ceux-ci aperçoivent enfin le nouvel arrivage, ils viennent se coller aux grilles pour mater ceux qui passent. Des interpellations. Des propositions. L’un d’entre eux l’appelle, lui propose de devenir sa femme. Adan lui offre un regard meurtrier. Il ne sera la femme de personne. Mais cela ne fait que rire l’inconnu. Il sent qu’il ne le lâchera pas de sitôt. Il faut dire qu’avec son gabarit moyen, il fait tout de même moins impressionnant que la plupart de ces gars-là. Tous, dans leurs physiques, lui rappellent le corps d’Andrew. Grands. Forts. Musclés. Impressionnant. Et très sûrement loin d’être tendres. Il fixe droit devant lui, silencieux, et suit la fille pour entrer.

On leur demande d’abandonner leurs habits et leurs effets personnels, de se prêter à une fouille au corps approfondit. Il n’aime pas ça. Mais il n’a pas le choix. Il se dit simplement qu’il ne devrait pas y avoir le droit tous les jours et cela suffit à le faire supporter la chose. Puis on leur confit leurs tenues de détenus. Horriblement laides. Mais tant pis. Tout le monde est logé à la même enseigne, après tout. Et enfin, on les conduit à leurs quartiers, leurs cellules. Il se retrouve séparé de certains de ses compagnons de voyage, sans que cela ne lui fasse un quelconque effet. Et on l’emmène vers un bloc, vers une cellule. La deux, qu’on lui a dit. Et on lui a aussi dit qu’il ne serait pas seul. La simple idée de partager son espace vital avec quelqu’un l’agace. Il passe devant les autres cellules, ignore les murmures audibles. Et il s’arrête net lorsque le gardien en fait de même. Un jeune homme est présent, là où, visiblement, il doit loger.  Plus petit que lui, mince, de longs cheveux blancs… Son opposé, de ce point de vue. Appelé « la pute » par les autres. Génial. Serait-il tombé sur le mec facile du coin ? Il espère simplement que celui-ci lui foute la paix. Tant qu’il peut lire tranquillement, dans le silence, et ne pas profiter des ébats du jeune homme, il se moque bien du reste. Mais si l’autre contrecarre ses plans, ce sera problématique…

Le gardien le laisse entrer, demandant vaguement à l’autre, Silver - ?- de lui apprendre ce qu’il a à savoir. Lieux, horaires, tout. Mais Adan, lui, se diriger déjà vers le lit de libre pour s’y laisser tomber après avoir posé ses affaires au pied de celui-ci.

« Silver, c’est bien cela ? Visiblement vous êtes bien connu des autres. Un jeune homme à problème donc. Je vous préviens, je n’aspire qu’à la paix. Si vous ramenez vos ennuis ici, je ne serais pas aussi cordial. »

Une mise au point qui s’imposait. Le ton est donné. Adan n’a jamais été aimable. Toujours habitué à ce qu’on lui obéisse au doigt et à l’œil. Il va sûrement tomber de haut, ici. Mais il fera son possible pour se faire respecter tant bien que mal. Ça, c’est la promesse qu’il se fait…

- Je ne suis pas ce que l'on pourrait appeler un cas à problème. Pour survivre ici, il y a beaucoup de méthodes possibles, mais ce n'est certainement pas en tenant tête aux autres que tu survivras ici. Peu importe ce que tu étais, ici, tu n'es rien, alors ton air hautain te coûtera très cher.

Ses paroles lui tirent un haussement d’épaules incontrôlé. Étrangement, il s’en moque, en réalité, de ce qu’il peut dire. Il a formulé ses pensées, il a donné ses ordres de manière indirecte, c’est tout ce qui compte pour lui. Pour le reste, il s’en fiche bien. Mais… quelque chose lui dit qu’il ne va pas être lâché de sitôt. Or, il ne veut réellement pas que son camarade de cellule ne cherche à le coincer dans un coin et ne lui fasse des choses pas très catholique. Déjà, parce qu’il n’est pas son genre. Ensuite, parce qu’il n’a pas simplement envie de coucher avec la première catin venue. Sinon, il aurait sans aucun doute eu plus d’un amant dans sa vie.

- Pour ce qui est de moi, je ne suis pas le coloc le plus difficile à vivre. J'écris, je chante, et je ne baise pas vraiment dans ma cellule. Je vais probablement te laisser tranquille, si je ne tombe pas en rage bien sûr ...

Ses paroles le tirent de ses pensées. Il lève les yeux au plafond. En rage ? Qu’est-ce qu’il entend par là ? Il ne va sûrement pas lui demander. Ce serait comme… rentrer dans son jeu ? Et là, c’est un jeu dans lequel il ne veut pas s’engager.

« Écoute, il faut que je sois honnête avec toi. Je suis séropositif. Mon amant m’a contaminé en omettant, volontairement ou non, là n’est pas le sujet, de me dire qu’il était porteur du virus et en me prenant de force de façon non protégée. Ce serait dommage de te contaminer de façon perpétuelle à une telle chose. Et cruel de ma part, également. Sans compter que je suis allergique au latex. Donc pas de préservatifs pour moi. Du moins, pas les basics que tout le monde peut posséder. »

Mensonge ? Oui. Tout à fait. Mais il s’en moque. Tant que Silver abandonne tout espoir avec lui, ça lui convient. Qu’il se concentre sur les hommes en manque et qu’il lui fiche la paix.

« Maintenant, si on peut changer de sujet, j’aurais besoin de savoir les règles. Emploi du temps, personnalités à éviter, que faire, que ne pas faire. Tout ce qui me permettrait de ne pas me faire des ennemis dès le premier jour. »

En vérité, il veut juste changer de sujet. Parce que des ennemis, il s’en est déjà fait. Mais ça, Silver ne peut pas le savoir. Tout comme il ne peut pas savoir qu’il ment au sujet de la séropositivité et de l’allergie au latex. Pratique d’être un petit nouveau. Personne ne sait quoi que ce soit sur vous…

Visiblement il n’a pas mordu à l’hameçon. C’est bien la veine de notre jeune parrain. Un têtu. Il soupire, discrètement, avant de se concentrer sur son lit, sur lequel il s’assoit. Il sent, étrangement, que le temps va être long. Qu’il va sans aucun doute fuir le plus possible sa cellule. Et ne dormir que d’un œil. Silver ne lui inspire pas confiance. Cela dit, personne ne lui inspire confiance. Sauf Andrew. Andrew, il aurait pu le suivre les yeux fermés. Sans doute est-ce la raison pour laquelle il l’a éloigné, au final… Parce qu’il avait peur de ses sentiments. Peut-être. Il l’ignore. Mais là n’est pas le sujet. Un nouveau soupire lui échappe, mais plus sonore, en guise de réponse à la logorrhée de Silver.

« Vous m’ennuyez, Silver. »

Il finit par lâcher, sèchement.

« Quand bien même vous seriez le seul homme de la prison -ce qui n’est pas le cas, entendons-nous bien là-dessus-, je ne vous toucherais pas. Je ne suis pas un animal en rut. Je sais me contrôler. Et quand bien même je serais potentiellement en manque, je doute fort que vous soyez, ne serait-ce que capable de me la faire lever. Vous n’êtes pas mon genre. Et je ne me fatigue pas à m’exciter pour des gens qui ne sont pas mon genre. Pire que tout, j’aurais réellement peur d’attraper le sida si je vous touchais. Ou n’importe quelle autre saloperie du genre. »

Oh dieu. Adan qui dit des vulgarités. Rien ne va plus… il faut croire qu’il est vraiment agacé par le jeune homme et son obsession pour ce qui porte au dessous de la ceinture…

« Maintenant que tout cela est bien clair, je vous remercie pour les informations que vous venez de me fournir. Cela me rassure : vous savez réfléchir un minimum avec votre tête et non pas avec votre cul. »

Cordialement, Adan Naraku Jenkins. Non ? Ce n’est pas ça ? Il regarde en direction de la sortie de la cellule, se demandant s’il y a une bibliothèque ici. Il ne s’est pas renseigné sur le sujet. Mais s’il y en a une, il y a de fortes chances pour que cela devienne rapidement son refuge…

« Puis-je vous demandez de me répondre en usant encore un peu de votre cervelle et me renseigner sur la question que je me pose : se trouve-t-il une bibliothèque entre ces murs ? Et si oui, comment m’y rendre ? »

Décidément… Adan est tombé sur un véritable tordu qui refuse de lâcher l’affaire. Le voilà dans son dos, blottit contre lui, le touchant. Le. Touchant. Son sang ne fait qu’un tour. Son cœur marque un arrêt. Il doit se calmer. Il doit réellement se calmer. Ne pas s’énerver. Adan ne s’énerve jamais. Mais Silver sait comment le mettre hors de lui, visiblement. Il ferme les yeux, quelques instants, inspire profondément. Et puis, lentement, doucement, il lève la main, pour venir la poser, délicatement sur la nuque de son codétenu. Il la laisse là, lève un peu la tête, soupirant. Oh, il simule bien l’homme qui se laisse tenter… Et puis, brusquement, ses doigts se referment sur les cheveux de l’homme. Et en une fraction de seconde, le visage aux traits si fins de la « pute » comme il se fait appeler, se retrouve en tête à tête avec le sol, les genoux du parrain bien ancré entre ses homoplates.

« Touchez-moi encore une fois, Silver… et vous pourrez dire adieu à vos dents. Cela serait vous rendez service, je suppose. Après tout, il n’y aurait pu aucun effort à fournir pour ne pas mordre vos « clients ». »

Il se retient de justesse de lui cracher sur la joue. Ce n’est pas un comportement digne d’un gentleman. Lever la main sur autrui, c’est déjà au-delà de ses limites, alors profiter de sa position de dominant, il n’ose imaginer les conséquences sur son amour propre.

« J’ai dit non. Et non, c’est non. Allez-vous trouver quelqu’un d’autre, si vous êtes à ce point en chaleur. Mais avant cela, répondez à ma question que je ne poserais pas une troisième fois : y a-t-il une bibliothèque en ces lieux ? »

Ralala… Adan sait pourtant qu’il risque d’apprécier d’être traité de la sorte, non ? Cela dit, il a du mal à se contrôler entièrement lorsqu’il perd ton sang-froid… et il n’aimerait pas finir par avoir un meurtre sur les mains, alors qu’il est coincé ici. Alors… peut-être faudrait-il trouver une solution pour changer de cellule ? Peut-être cela serait moins risqué ?  

Pas de réponse satisfaisante. Encore des avances. Adan ferme les yeux, soupire. Sa main vient se diriger et poser sur son front, par réflexe. Il est… à bout de nerfs. Silver le pousse à bout. Littéralement. Il joue avec sa patience. Avec son calme. Il ne sait rien du semi-japonais. Et pourtant il le provoque ouvertement. Adan se dit qu’un jour, avec un tel comportement, Silver finira par avoir de réels problèmes. Alors il se relève, laissant l’autre à terre, parlant de nouveau à tort et à travers. Le coup de pied dans les côtes part tout seul. De toute ses forces.

« Cela vous servira d’avertissement, Silver. »

Il lâche, froidement. Le voilà calmé, maintenant qu’il a pu se défouler. Il remet sa tenue en ordre, s’époussète un peu. Il a dû donner de sa personne pour quelqu’un qui n’en vaut pas la peine. Ca l’énerve un peu. Il a besoin de prendre l’air.

« Vous savez quoi ? Ne vous donnez pas la peine de répondre. Je vais chercher par moi-même. Maintenant. »

Il fait un pas vers la sortie de la cellule. Il a le temps, avant le repas du soir, il lui semble bien. Alors il va pouvoir découvrir les lieux par lui-même, tout en évitant le type qui le reluquait, à son arrivée.

« Ah. Et pour information. Les japonais n’ont rien de « gros » que vous puissiez désirer. Navré. »

Non. Adan n’est pas monté comme un étalon. Par rapport à Andrew, il était même ridicule. Ou alors, c’était tout simplement Andrew qui était gargantuesque. Et Dan qui n’est que dans la moyenne. Allez savoir. En attendant, c’est en enfonçant ses mains dans ses poches que le parrain fuit les lieux. Il n’y reviendra que pour la nuit. Mais pas sans quelques précautions minutieuses. Comme voler une fourchette, discrètement, à la cantine, durant le repas du soir. Fourchette qui restera bien sagement dans sa main, sous son oreiller, durant la nuit. Des fois qu’il y a un œil à planter, qui se glisse dans sa couche alors qu’il souhaitera simplement dormir…